"L'Estasi dell'Oro"...
Fin d'après-midi, les courtes averses drues se succèdent.
Tiens, un type au milieu de nulle part, avec rien sur lui. Il "promène" un pikolèt. Râblé, pantalon treillis, crâne rasé, visage luisant, fermé. Quelques kilomètres plus loin, un autre. Jeune, beau garçon, air-pods aux oreilles, le pas souple, chargé d'un sac à dos et de petites touques. Ca sent le barrage de la maréchaussée pas loin. Bingo. Après 10mn à vitesse modérée j'arrive devant 2 gros camions militaires qui bloquent la route. Une fourgonnette bleue est garée à proximité, une tente installée sur la zone dégagée. "Contrôle de gendarmerie. Qu'est-ce que vous venez faire ici ?" J'ai l'appareil photo sur les genoux, le zoom déployé. "Des photos, mais bon, je vais faire demi-tour." J'adore l'air dubitatif et soupçonneux qu'ils tiennent à se donner toujours. Mon nom va remonter à la préfecture. Ils sont à 200m de l'entrée de la piste qui au bout de 15km mène à un camp d'orpaillage illégal, mais non. Mitraillette en travers de la poitrine, ils font la circulation, contrôlent les usagers, et les Brésiliens, bien plus malins, leur échappent en empruntant la forêt.
Mes plans contrariés, je rebrousse chemin, poursuis ma route. Au retour, je recroise le jeune qui s'est assis, son paquetage autour de lui, pas inquiet, et qui attend qu'on le récupère. Ils sont forts quand même.
17h40. Un Oxybelis fulgidus de belle taille vient d'être écrasé. Damned.
Averses brutales éparses et tiédeur. 17h55. Un second Oxybelis fulgidus adulte tout juste écrasé. Hélas.
Je suis pas mal dépitée. 4 sorties sans croiser un seul serpent vivant, ça devient décourageant, et frustrant. Encore une sortie à brûler de l'essence et contribuer aux émissions à effet de serre pour trois fois rien.
Je m'installe pour attendre la nuit. J'effarouche quelques ibis verts. Les chants du crépuscule emplissent l'espace, beaux et mystérieux. Ca a toujours été un de mes moments préférés.
Turdus_fumigatus (le merle cacao).
Chant couvert par le flux de la crique.
Merci à Alexandre Vinot ! ;)
Sans grande conviction, je retourne au layon où j'ai si souvent traîné mes bottes. Je n'espère plus revoir mes Phyllomedusa bicolor, mais alors que j'approche de la mare, je perçois un bref vibrato sourd, discret. C'est sûr, il y en a au moins une. Oui ! Je la trouve ! Je fouille des yeux, j'en repère une seconde. Petit et même grand réconfort. Elles boudaient la mare depuis si longtemps ! Je ne les embête pas, je passe. Heureuse.
On n'entend pas les Boana boans, il faut dire qu'elles ont eu leurs heures de gloire en novembre.
Au retour je trouve une magnifique femelle de Periphloea santara aux riches nuances de vert. Impossible de la photographier convenablement : le flash débloque complètement, je n'ai plus de contrôle depuis le boîtier, tout est surexposé. Merci l'obsolescence programmée. Ca fait suer franchement. Nouvel achat à prévoir d'urgence.
De retour à ma voiture, je fouille une dernière fois les alentours. Il y a des branchages entassés là après débardage, et sous les branches, un oeil rouge. Franchement, ça vaut le coup d'aller vérifier pour un bête leptodactyle géant ? Ouais, au cas où. J'ai bien fait, il s'agit d'un pac ! Il me tourne désormais le dos, mais reste immobile. Si j'allongeais le bras, je pourrais le toucher, mais je tente plutôt des photos. Il sent très fort le musc, c'est un mâle, pas de doute. Il finit quand même par détaler.
22h10. Se présente en bord de route ce "grand" serpent arc-en-ciel timide. Il va traverser, mais s'arrête quand je viens à sa rencontre. Je m'approche, repars à la voiture, récupère mon matos photo. Il avance de quelques centimètres. Je retourne à la voiture éteindre mes phares pour préserver ma batterie. Il s'est immobilisé à nouveau. Je l'éclaire indirectement. C'est le premier adulte que je trouve, il fait approximativement 1,10m, bien portant mais sans réserves. Sur l'asphalte rugueux, il avance en ligne droite. Accroupie, téléphone en main pour filmer, je le regarde contracter les muscles de son ventre dans sa reptation rectiligne, émerveillée comme quand j'étais petite fille. Quand il a rejoint l'autre côté de la route, je lui fais face, il se replie sur lui-même, je tente des photos mais mon foutu flash me les fait louper. Il repart en serpentant en bordure de route, alors je le porte en lisière de la forêt en surplomb, dans la direction où il se rendait au moment de traverser.
Il a malheureusement une tique fichée sous l'oeil.
Le trident dessiné sur la tête.
Je ne suis jamais tombée que sur des individus cool.
Centrosema brasilianum
Elle est ici connue sous le nom évocateur de "foufoune".
A Bamako il y avait une espèce assez proche, plus petite, à la corolle moins évasée mais plus plissée et d'un violet soutenu, qui grimpait dans les Acalypha wilkesiana du jardin. Très florifère toute l'année.
Ce sont des Fabacées.
Et au marigot foulé par les zébus, 21 dendrocygnes à ventre noir. 3 tyrans gris sur la portion menant au degrad.
Etienne Druon - Formidable illustrateur - Amoureux de l'Amazonie, de la Guyane en particulier
Interview :
C'est lors d'une semaine à Annecy en février dernier que l'on fait la connaissance d'Étienne Druon, carnettiste de voyage, grand spécialiste de la Guyane française et de sa légendaire forêt amazonienne. Avec sa femme Émilie et leurs deux enfants, ils s'y rendent chaque année depuis 25 ans !
https://babel-voyages.com
Pour les Gwich'in (Yukon) : "Les arbres, les animaux, les rivières, chaque partie de ce monde retient tout ce que l'on fait et tout ce que l'on dit, et même, parfois, ce que l'on pense. C'est pour ça qu'il faut faire très attention aux pensées que nous formulons, puisque le monde n'oublie rien, et que chacun des éléments qui le composent voit, entend, sait. Ce qui s'est passé, ce qui advient, ce qui se prépare. Il existe un qui-vive des êtres extérieurs aux hommes, toujours prêts à déborder leurs attentes. Aussi chaque forme-pensée que nous déposons hors de nous-mêmes vient se mêler et s'ajouter aux anciennes histoires qui informent l'environnement, ainsi qu'aux dispositions de ceux qui la peuplent."
Nastassja Martin, Croire aux fauves (2019)
Elles surgissent partout cette année
Repérée de nuit. Il y a une autre hampe plus loin, et un peu plus loin encore quelques panaches de feuilles dépourvus de fleurs. Je reviens le lendemain, trop tard. A 9h30 la lumière est dure, et j'ai oublié le pare-soleil.
Et pour pollinisateurs, des mouches.
De la buée due à l'évaporation depuis le sol.
Et à proximité, cette Gencianacée, des Stachytarpheta cayennensis et plusieurs pieds de Spathoglottis plicata.
Et caetera
Seulement mon 4ème individu de cette espèce :
De nuit, 3 d'un beau vert tendre de feuille nouvelle. De jour, une autre d'aspect plus charnu, plus nervuré et d'un vert dense de feuille mature. 2 trouvées en février et 2 autres en mars. Une nymphe fin mai.
Elytres souples et veloutés.
Comme je m'intéresse à eux d'un peu près, le mâle s'arque pour se donner du volume, ou du relief ;)
Quand ils sont repérés, les criquets-phasmes lèvent souvent une patte, sans doute pour briser la symétrie de pattes aux articulations équilibrées.
Consommés avec leur peau, les fruits d'Henrietta succosa ont la saveur des mûres sauvages. A subtiliser aux fourmis balle-de-fusil qui montent la garde, et à partager avec les souris arboricoles et les papillons de nuit.
"Démons et Merveilles"
C'est curieux quand même, et vachement bien fait aussi ! La sauterelle pèse de tout son poids pour s'extraire de son exuvie, par spasmes, contractions, tout ce qu'on voudra, et sans jamais s'appuyer ou s'agripper à sa feuille. Mais la mue adhère sans problème au support et continue de maintenir la sauterelle en suspension dans le vide, sans "drisses de sécurité", comme il en existe pourtant chez certains papillons. Qu'ils sont forts ces insectes ! Tellement fascinants, tellement méconnus, tellement ignorés aussi.
+ Acontista maroniensis femelle. (Une épithète bien de chez nous). Trouvée sur ce layon pour la 2nde fois.
Mante d'environ 35mm (?) Cachée sous une feuille.
De la main gauche je tiens la feuille retournée, de l'autre le reflex, et comme éclairage la frontale orientée de traviole.
+ Periphloea corticina et Parastratocles tessulatus.
+ Jeune Paleosuchus trigonatus - Bottes pleines, bout des fesses mouillé, caïman pas d'accord, les bugs récurrents du flash. Démerdàte pour les photos ;)
Epidendrum nocturnum en fleur.
L'attaque chimique parfumée et cireuse d'Apoica spp. qui existe aussi chez certaines fourmis.
Appels dans la forêt
Tombée du jour / Début de nuit au milieu des phlébotomes et des moustiques, petits rassemblements des crapauds perlés qui chanteront de manière soutenue pendant une heure ou deux avant de s'arrêter :
Des chants scandés avec une précision mécanique, qui enflent, s'éteignent et se rallument comme seuls les insectes savent faire :