1er Jour :
Polissoirs oubliés. C'est toujours poignant de se dire que des gens se sont installés là, des familles amérindiennes dont on ne sait rien aujourd'hui, évanouies avec leur histoire et leurs secrets.
L'eau baisse encore et met au jour d'autres polissoirs.
A marée basse, les dalles rocheuses se découvrent.
Les morphos jouent les voltigeurs.
A proximité du carbet, Dichea splitgerberi en bouton et fleurs pâles, le labelle en forme d'ancre.
Le bassin de l'anguille électrique, Electrophorus electricus. L'après-midi est bien entamée. On longe la crique quand la copine fait tomber sa GoPro. Je ploufe pour la lui récupérer. Il y a un petit mètre de hauteur de berge verticale, elle me conseille de remonter grâce aux racines immergées d'un arbre. Mais le splash a réveillé une grosse anguille à la gorge rose vif qui justement a sa tanière dans la glaise de la berge, entre les racines de cet arbre par lequel je comptais passer. Elle sort de sa cache, et vient à moi, inquisitrice, puis se glisse dans son trou, et je la vois en ressortir, elle s'approche à nouveau tout près, directement sur moi. La copine n'en mène pas large. Moi, un peu perplexe quand même en sous-tif et petite culotte "Sois gentille ma grosse hein ! pas de blague s'il te plaît !" Elle doit faire près d'un mètre. Elle n'a aucune raison de "m'électriser" - le terme électrocuter est probablement plus approprié, les décharges les plus fortes peuvent provoquer un évanouissement voire un arrêt cardiaque. Dans le règne animal, pas d'agression non motivée, et moi j'ai juste commis la maladresse de passer trop près de son antre. Alors, sa curiosité satisfaite, elle regagne ses pénates.
Flash-back au souvenir des anguilles sacrées de la Papenoo, aux yeux bleus (des vraies celles-là, qui se reproduisent en mer), qu'on pouvait nourrir à la main, et qu'on appelle "puhi" en reo ma'ohi, mot qui désigne aussi les murènes.
Stéphanie, les baignades toute la journée, et les parties de badminton à 4. Le Uno pour se poser, et, la soirée bien avancée, le hamac pour s'écrouler jusqu'au lendemain matin.
Le soir, au pied du carbet, au bord de la crique, Boana boans et Boana semilineata, les rainettes aux flancs étoilés.
2ème Jour :
Le temps est radieux. Moments privilégiés au milieu des pluies.
Moenkhausia collettii, Bryconops affinis & Bryconamericus guyanensis
Des amis pêcheurs et cuisiniers hors-pairs. Deux aïmaras pêchés quelques jours plus tôt. On a savouré les spécialités guyanaises à chaque repas, mitonnées avec art et mijotées pendant des heures et accompagnées de riz blanc, couac, haricots rouges ou lentilles, et de diverses sauces. Royal.
"De l'eau, de l'air, la vie !" ;)
3ème jour :
Toute la nuit, tour de chant des ronfleurs qui, courtois, s'expriment les uns après les autres. :D
Au matin, la surprise de découvrir que les fourmis coupe-feuilles ont attaqué un sac poubelle, laissant à proximité les si caractéristiques miettes en arc de cercle. J'espère qu'elles se seront rendu compte de leur bévue et qu'elles auront toutes abandonné ce leurre.
Il faut rentrer. De nombreuses Vanilla cf. mexicana en pleine santé, bien exposées au soleil, couvrent des arbres aux troncs grêles.
Retour à la maison et à la réalité en fin d'après-midi, à regret. Mais que ce 21ème siècle et ses politiques sont tristes et cons !
Le soleil tape, le ciel est parfaitement dégagé, et pourtant c'est presque l'Harmattan. L'air est voilé, flouté comme une brume, sale et saturé des poussières et sables du Sahara enrichis au Césium 137. Lumière d'Apocalypse, un peu.