Le poisson qui fait ici les délices de cette petite couleuvre est un "z'appât-la-vase" ou Gobionellus oceanicus qui vit précisément sur les fonds vaseux des estuaires et de l'estran. A marée basse, il s'enfonce dans la vase pour se protéger des échassiers et des serpents... Sans grand succès apparemment.

Il est aussi parfois utilisé par les pêcheurs comme vif au bout de l'hameçon, d'où son nom.

Pseustes poecilonotus - aujourd'hui reclassée en Phrynonax polylepis

La Guyane bénéficie de conditions climatiques très particulières : située à 5° au dessus de la ligne d'équateur, l'année est fractionnée en saisons : une saison caniculaire et très sèche entre juillet et novembre assortie d'orages électriques la nuit, suivie d'une saison de fortes pluies entre décembre et fin février, un "petit été de mars" qui dure une quinzaine de jours marque la transition avec la saison de pluies éparses entre avril et juillet...
La saison de reproduction des animaux fluctue selon ces saisons.

Ici, la photo d'une toute jeune couleuvre, rencontrée en novembre : Erythrolamprus aesculapii.

La Guyane a connu une période de sécheresse, la Zone Intertropicale de Convergence (masses nuageuses) est restée stationnaire sur le Brésil pendant plusieurs mois, nous privant d'eau aux mois d'avril, de mars et de mai.
Ces conditions climatiques particulières ont "déréglé" les animaux. C'est ainsi qu'on a pu voir sortir les crotales, mais aussi ce caïman (capable de passer plusieurs semaines voire quelques mois loin de tout point d'eau).

J'ai trouvé celui-ci en fin de journée sur un parking, à proximité, néanmoins, de la savane.
Ce caïman est le plus petit crocodilien du monde. Paleosuchus palpebrosus ne mesure en effet pas plus 1,80 m pour un poids de 6 kg.
Pour lui éviter toute mauvaise rencontre, je l'ai attrapé (une main sur la nuque, l'autre à la base de la queue), et suis allée le porter jusqu'à un canal d'eau claire.

Les caïmans sont de nature prudente et discrète. Rares sont ceux que l'on peut apercevoir de jour, ils préfèrent toujours se mettre en chasse de nuit.

Dermochelys coriacea : littéralement : "tortue à la peau dure" : la tortue luth est la seule tortue des 8 espèces de tortues marines à ne pas être protégée par une carapace cornée mais par un cuir bleuté, moucheté de blanc comme la Voie lactée mais fin et souple et donc fragile. C'est la plus grosse tortue vivante.

De fin mars à fin juin, les plages guyanaises accueillent la plus grande concentration de tortues luth du monde. Celles-ci viennent y pondre. 
Je ne connais pas de spectacle plus émouvant que celui de ces bêtes, pesant généralement entre 450 et 600 kg, recueillant le sable dans le creux de leurs palmes arrière pour creuser le nid qui abritera leurs oeufs.


Elles "s'échouent" sur la plage à la faveur de la marée haute, de préférence de nuit, en toute discrétion, par crainte de la chaleur, mais aussi des importuns, et pondront une centaine d'oeufs. Elles répèteront l'opération 6 à 7 fois sur la saison, puis ne reviendront pas avant 2 ou 3 ans.

Bien des dangers guettent les oeufs comme les bébés tortues : les courtilières creusent des galeries pour accéder aux oeufs, elles laisseront ensuite le champ libre aux crabes, qui à leur tour laissent la place à des maraudeurs tels que les ratons crabiers. Si Dieu leur prête vie, les petits naîtront 2 mois plus tard, profitant d'un rafraîchissement de la température (à la tombée de la nuit ou après une averse). Cependant, rien n'est encore joué : les urubus, les échassiers, les rapaces, les chiens errants les attendent. Dans l'eau, ce sont les silures qui tenteront de les gober.

Une fois en mer, il se pourrait que les bébés trouvent refuge sur des bancs d'algues, type sargasses, et explorent ainsi les vastes océans.   

Les tortues luth parcourent des milliers de kilomètres en quelques mois, se plaisent dans les eaux tempérées, mais remontent aussi jusqu'au cercle polaire arctique. Elles sont capables de descendre très profond (- 1000m, voire davantage) pour chercher leur nourriture. Leur carapace composée de nodules d'os est souple et se déforme sous la pression, sans se briser.

Une tortue luth atteint sa maturité sexuelle aux alentours de 15 ans. C'est plus tôt que pour les autres espèces qui doivent généralement attendre 5 à 10 ans de plus.

Une bête véritablement phénoménale !         

Le crotale (Crotalus durissus) est en Guyane un serpent de savane/plage/lisière de forêt rarissime. Trapu, il peut néanmoins atteindre les 1,60 m. Son venin, le plus dangereux de tous les serpents guyanais, est tout à la fois hémotoxique, nécrotique et neurotoxique.
Cependant, bien que ce sujet ait été quelque peu malmené par les pompiers de Paris, jamais il n'a montré d'agressivité.

La Guyane a connu un début de sécheresse inquiétant. Cela aurait-il incité ce serpent à se montrer à découvert ?

Mai semble être la saison de reproduction des crotales.

Une rencontre forte, de celles qu'on n'oublie pas ! , surtout quand on n'est chaussée que de sandales...

Merci infiniment à Maxime Déchelle, alias "Max Bird" pour le partage de sa bête et cette séance photo !