Maïpouri
Cet article, je l'écris plus de deux ans après la rencontre. Parce que je n'ai pas de photo montrable à proposer, mais j'en glisse une quand même, pour preuve. Mes rencontres avec les mammifères se soldent généralement par un souvenir "oculaire" et rien de tangible.
Ce soir-là, je me promène seule, comme toujours. Et je me rends compte de la présence du tapir par hasard quand je jette un oeil sur la gauche, le long du sentier. Lui (ou plutôt elle, je crois) m'a sans doute sentie depuis belle lurette, elle a dû s'engouffrer dans la végétation car elle n'a pas d'autre alternative. Elle n'expose que son cul, engagée complètement dans les fougères broussailleuses et coriaces, et bloquée, sans possibilité d'avancer plus en profondeur. Je vais essayer de faire des photos, peine perdue. Je ne veux pas l'emmerder plus que de raison, je fais quand même 4 ou 5 photos au 100mm. Elle fait l'autruche, tourne un peu la tête un moment de profil, mais je n'y arrive pas. Je n'aurai que sa croupe. Elle demeure calme et immobile.
Au retour de la balade, une heure et demi plus tard, à 21h30 précises, je retrouve mon tapir 300m plus haut que la première fois, sur le sentier, près d'un arbre tombé. Il se trouve sur un espace totalement dégagé, il est de profil, je peux voir ses oreilles pivoter, il est nerveux, tendu. Me vient à l'esprit l'image du capitaine Haddock renversé par un tapir dans l'album Le Temple du Soleil, je crains un peu qu'il ne m'arrive la même chose. J'avance précautionneusement en évitant de l'éclairer, espérant pouvoir m'en approcher un peu plus et tenter une photo de la tête. Nous ne sommes qu'à quelques mètres l'une de l'autre. Mais le tapir choisit de descendre bruyamment vers la crique en contrebas, par une coulée tracée par les animaux forestiers. Je l'ai contrariée.
Après cette rencontre en forêt avec mon premier gros mammifère, je prends soudainement conscience que si j'ai vu la proie, je peux aussi rencontrer son prédateur. L'idée ne me quittera pas, jusqu'à ce 7 septembre 2019 à 22h35 où je tombe sur ce puma, couché dans la posture du chat qui guette, et peut-être près et prêt à me bouffer crue. Il me faudra faire ensuite un gros travail sur moi-même pour poursuivre mes sorties nocturnes, mais ma 2nde rencontre avec un puma me libère de mes craintes. Aujourd'hui, je me sens en paix, ou presque. Jusqu'à présent, tous les grands mammifères dont j'ai croisé la route ont préféré la fuite.