"Nommer, ce n'est peut-être pas tant exercer du pouvoir sur ce qui nous entoure, que naître de concert avec ce qui nous en distingue : le langage, du moins notre langage. Nous parlons et ne comprenons pas ceux qui -nous - parlent peut-être aussi dans cette langue ésotérique de cris et de chants, et je me rêve souvent en Champollion décryptant la pierre de rosette orale de leur syrinx. (...)
Nommer c'est peut-être posséder, mais sans dommages co-latéraux, voire, c'est aller plus loin, c'est dépasser ce stade de la possession (...)
Et puis, surtout, nommer, c'est bien ineffacer ce qui nous entoure, parce que les espèces, comme les individus, évoluent, disparaissent et que les individus meurent.
Nommer, c'est dire :
"je" t'ai vu(e),
c'est dire : je t'aime ou t'ai aimé(e),
si tu n'es plus.
(...)
Nommer, les langages, scientifique ou vernaculaire, ne sont finalement que variations multiples sur un même thème : une commune jubilation."
Fabienne Raphoz, Parce que l'oiseau (Carnets d'été d'une ornithophile) 2018, Chez Biophilia
"Tous les espaces sonores, pour moi, ont la force évocatrice d'un souvenir d'enfance. Est-ce que le son s'enfouirait dans la mémoire profonde, longtemps après que le voyage, comme un rêve, se serait effiloché par bribes difficiles à recoudre, est-ce que le son, à quelque instant de l'empreinte que ce soit, irait remonter le cours des souvenirs jusqu'à leur origine pour s'y nicher ?"
Fabienne Raphoz (ibidem)